Quel apport des Humanités aux débats et mobilisations autour du climat ?
Projet 2019

Le climat est aujourd’hui devenu non seulement un motif médiatique récurrent mais aussi une cause politique importante. L’heure ne semble plus être aux débats d’experts, la question est désormais sociale et elle caractérise notre moment historique ; bien au-delà de l’environnement, elle interroge le mode de développement et par là les choix posés durant les Trente Glorieuses, autant qu’elle nous engage à notre tour, non sans craintes, dans le présent et pour l’avenir.

En ce sens, elle participe aussi de la culture en générant des discours, des représentations, des comportements et de l’agir qui viennent refaçonner ce que nous envisageons comme culturel. En bref, cette question nous oblige à dire clairement ce que les Humanités peuvent apporter à la compréhension et à l’action sur ce terrain trop longtemps laissé aux Sciences et Techniques.

Conçue comme telle, la problématique du climat, étendue aux mobilisations de défense de l’environnement, constitue un objet transversal susceptible d’intéresser les membres de l’Unité de Recherche Traverses. L’UR pourrait par là s’inscrire dans le monde social, et cela sans rien renier de ses exigences scientifiques et disciplinaires.

En s’emparant d’une telle question, Traverses pourrait devenir un opérateur de formation, une plateforme, qui permettrait des passerelles avec l’enseignement secondaire (« formation des maîtres ») et les Hautes Écoles. L’UR pourrait même envisager la création de certifications au niveau facultaire.

Parmi les multiples et riches approches, évoquées ici à titre illustratif, dans lesquelles pourraient s’inscrire les activités qu’il serait possible de développer dans un avenir proche, pointons :

Des enjeux disciplinaires

Comment la littérature, le théâtre, le cinéma, les arts plastiques contribuent-ils à faire exister le motif du climat, en diachronie et en synchronie (historicisation et comparatisme) ?

Quels inventaire et analyse des conceptions et des dénominations (climat, environnement, planète, terre…) peuvent être générés ? Quelles sont les stratégies de dénomination ?

Quels sont les régimes de vérité à l’œuvre dans les discours sociaux et scientifiques mobilisés autour de la question climatique ? Comment analyser et critiquer les productions médiatiques ?

Quel est aujourd’hui l’état de l’outillage critique de nos disciplines quant à l’intervention sociale ? En quoi nos disciplines peuvent-elles faire valoir des arguments, voire modifier la manière d’appréhender le débat ?

Des enjeux liés aux conditions du travail intellectuel

Comment nos conditions très matérielles de recherche et de production des savoirs sont-elles affectées par des questions comme celle des ressources et comment affectent-elles ces questions ? Comment relier « l’angoisse climatique » aux pratiques quotidiennes des chercheurs (déplacements lointains de colloque en colloque, usage des dispositifs numériques…) ? Comment, en ce sens, analyser voire transformer les logiques structurelles sur lesquelles reposent ces pratiques (évaluations des activités scientifiques, accélération des temporalités, productivisme scientifique…) ?

La problématique du climat fournit un objet largement articulé à l’actualité. Il ne peut toutefois s’agir pour nos disciplines d’un choix opportuniste et d’une médiatisation à bon compte. À l’heure où beaucoup de formes d’évaluation et de placement dans le monde universitaire reposent sur des questions de visibilité, il paraît important d’avoir, collectivement, l’ambition de fonctionner différemment. En profitant des dispositifs à mettre en place pour cette recherche, il serait possible de promouvoir des démarches, des manières de percevoir et de penser qui réhabilitent et légitiment d’autres valeurs liées à la temporalité ; au travail collectif ; à la pédagogie (création de nouvelles formes de relations avec les étudiants ou densification de celles-ci) ; à la « rentabilité » de la recherche scientifique ; à l’inscription de celle-ci dans la société… 

L’UR Traverses invite ses chercheurs à formuler des propositions d’activités qui pourraient participer de diverses manières à ce programme. Il est possible d’y inscrire des activités déjà prévues qui ont une intersection avec cette thématique ou d’organiser des ateliers, des séminaires, des conférences etc.

Au terme de ce programme, l’UR organisera un colloque international (à l’automne 2021) qui permettra de rendre un écho et une convergence aux différentes activités proposées par les centres ou par des membres.

Les projets sont à déposer au fil de l’eau et selon les modalités habituelles.

Cet appel est ouvert aux réseaux de chercheurs liés à Traverses (Intersections, Feminist Gender Lab, Liège Game Lab…) et aux étudiants en association avec un chercheur de Traverses.

Un projet de Grégory Cormann, Nancy Delhalle, Eric Geerkens et François Provenzano (Septembre 2019).

 

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La condition documentaire
Projet 2017-2019

Présentation du projet

Depuis nos champs disciplinaires respectifs, nous travaillons sur des documents de tous types : écrits ou oraux, visuels ou textuels, manufacturés ou technologiques. Il ne s’agit pas ici d’affirmer la spécificité de ce travail réalisé au départ de documents : au sens où on l’entend, le document conditionne toute entreprise de recherche et d’enquête, dans le champ des sciences humaines, mais aussi plus largement. À l’évidence, les chercheurs de l’UR Traverses partagent avec d’autres équipes le souci d’un regard rapproché, précis et critique sur les productions symboliques et culturelles de l’homme depuis la modernité (en tant qu’elle définit le passage d’un régime de rareté à un régime d’abondance documentaire). Nous manipulons des images, nous déchiffrons des textes, nous analysons des films, nous enquêtons au départ d’archives, nous balisons des terrains d’investigation, nous dialoguons avec des institutions, etc. – et cette rencontre pratico-technique avec les documents donne leur impulsion à des aventures théoriques singulières et variées. S’il est inutile d’affirmer ou de confirmer l’importance effective et acquise des documents pour la recherche en sciences humaines, nous voudrions par contre interroger – en activant le mode de l’investigation épistémologique (mode « méta ») – les effets du travail des documents sur nos manières de faire science. La création de Traverses correspond à la conviction partagée qu’il y a entre nos thématiques, nos méthodes, nos approches des zones de contiguïté et de porosité qu’il nous importe de faire valoir et d’explorer en rigueur. Le caractère singulier et inédit de notre position collective tient à la volonté de réfléchir de manière critique le rapport que nous entretenons aux documents. Notre objectif ne sera donc pas de dresser l’inventaire des types de documents auxquels nous confrontons – ou appliquons – nos savoirs mais, de manière plus ambitieuse, de faire voir en quoi les documents transforment et déplacent les théories que nous portons.

Comment les documents conditionnent-ils la construction des savoirs dans le champ des humanités ?
En quoi le contact avec les documents affecte-t-il nos manières de faire science ?

De même qu’il ne se confond pas, ni se réduit, à l’objet de nos recherches, le document ne doit pas être ici considéré en sa seule matérialité, ni en son seul statut de témoignage : il est, pour chacun d’entre nous, et par la diversité même de ses acceptions et de ses formes (textuelles, visuelles ou purement conceptuelles), l’instance médiatrice par quoi nos savoirs s’élaborent. En ce sens, il peut être considéré comme une catégorie opératoire en laquelle nos objets et nos pratiques de recherche s’unifient. Il établit sur un même horizon heuristique la variété, désormais non hiérarchique, des objets que nous examinons – et cela, une fois encore, sans préjuger de leur nature, de leurs différences, de leur importance relative, des régimes de sens et d’expression auxquels ils correspondent. La considération du document en cette qualité de catégorie opératoire permet donc deux choses : faire obstacle au classement hiérarchisant des objets de recherche (susceptible de nous rendre aveugles à certains types d’expérience), et éviter le cloisonnement des approches disciplinaires.

La condition documentaire, ainsi définie, invite à penser nos pratiques de savoirs comme des opérations de traduction et, indissociablement, de médiation. Il s’agit, non pas de décrire les choses telles qu’elles sont ou telles qu’elles furent, mais d’établir, entre les vivants et les morts, entre les temps, entre les régimes d’existence et d’expression, des relations d’intelligibilité sans cesse renouvelées. Nous plaidons résolument en faveur d’une science émancipée des apories objectivistes : non pas la fiction relative d’une science en surplomb, mais l’exigence critique et l’ambition d’une recherche compagne ; une science humaine qui veut et qui ose penser avec, et non pas uniquement sur, surtout parce qu’elle partage la même condition que les documents dont elle se saisit. Pour ces raisons, la prise en compte concertée de ces questions nous semble susceptible de déboucher sur un modèle alternatif de scientificité (exigeant et créatif), que l’UR Traverses pourrait contribuer à porter.

Les grands axes du projet

Le projet s’articulera autour de 5 axes, dont la liste et le nombre sont probablement appelés à se transformer en cours de travail, au gré des initiatives prises par les différentes équipes qui composent notre UR.

  • Théorie du document
  • Matérialité du document
  • Heuristique du document
  • Actualité du document
  • Politique du document

Théorie du document

Le volet historiographique et épistémologique du projet pourra s’appuyer par ex. sur les débats qui ont animé – dès la seconde moitié du 19e siècle – les champs de la théorie de la connaissance et de la critique historique. Revenir sur la séquence de la fondation des sciences humaines et sur les enjeux philosophiques qu’elle soulève permettra d’envisager la condition documentaire en valorisant le sens fort de la « condition » : le document étant défini comme ce au contact de quoi nos disciplines se constituent comme telles.

Au moment de poser le problème de l’organisation des sciences et d’établir la distinction fondatrice entre sciences naturelles et sciences de l’esprit (aussi appelées « sciences historiques » ou « sciences culturelles »), tout en prenant distance avec le positivisme d’A. Comte, les travaux de W. Dilthey ou de H. Rickert ont cherché à décrire le caractère spécifique des méthodes mobilisées dans nos sciences : alors que les sciences de la nature semblent à cette époque s’engager explicitement vers un but commun (à savoir : la connaissance du tout que constitue la nature), on voyait encore mal comment décrire l’unité des sciences de la culture. La solution qui s’ébauche alors concerne de près les problèmes qui nous occupent : là où les sciences de la nature visent à établir des lois générales, les sciences dites « historiques » (pour la raison de leur proximité aux documents) travaillent à dessiner des singularités. Le développement expansif de ces sciences offre au tournant des 19e et 20e siècles l’occasion d’interroger la légitimité de savoirs adossés à l’étude d’objets aussi singuliers que des œuvres plastiques, littéraires, des dossiers d’archive ou des discours politiques. Les théoriciens de la connaissance se demandent alors – en des termes que nous pourrons réévaluer et actualiser dans notre projet – s’il est possible de construire, autour de la diversité des productions documentaires, un discours qui ait quelque généralité ou si, au contraire, il ne faudrait pas pour chacun de ces documents, créer les concepts qui conviennent le mieux à leur singularité. Ces débats n’ont pas perdu leur actualité[1] : déjà, ils permettaient d’interroger les distinctions imprécises, de repenser l’opposition d’intérêts entre les sciences, d’inquiéter les modèles, mais ils invitaient surtout implicitement à une inventivité et à une plasticité conceptuelle que nous avons à cœur d’explorer.

Le document invite par là à penser autrement le rapport à l’histoire en lequel chacune de nos disciplines se trouve engagée : l’historicité devient elle-même un opérateur critique privilégié, bien au-delà des seules fonctions de périodisation ou de contextualisation à quoi elle est généralement associée. Sa mise en œuvre permet, beaucoup plus largement, d’interroger la pluralité des déterminations en laquelle se rendent intelligibles les objets que nous examinons – déterminations indissociablement sociales, politiques, historiques, esthétiques, anthropologiques et culturelles. Par ailleurs, l’objet est appréhendé dans sa totalité en tant que contenu signifiant, mais aussi en tant que forme faisant sens et réfractant les déterminations dont il est question ci-dessus. L’efficace sociale des pratiques signifiantes est inséparable des stratégies formelles qui les supportent, et inversement.

Ce premier axe du projet pourra revenir sur les moments forts de la théorie du document aux 19e et 20e siècles. Les voies d’entrée possibles sont nombreuses (herméneutique, structuralisme, histoire des Annales, etc.) et les problématiques variées : distinction document/monument (Panofsky, Foucault, Rancière, etc.), théories de l’archive (Farge, Foucault, etc.), critique du statut de témoin, etc.

 

Matérialité du document

Le deuxième axe du projet est lié à la prise en compte de la matérialité des documents scientifiques mais aussi, plus largement, culturels. Mobilisant les outils de la théorie critique et l’analyse des dispositifs documentaires, les chercheurs de Traverses pourront ici faire valoir leurs travaux sur les conditions matérielles de la production de savoirs : monde de l’édition, pratiques de la presse, revues scientifiques, vulgarisation, analyse des médias, art, institutions culturelles, etc. Mais au-delà de ces domaines prioritaires de la recherche sur la matérialité du document, de nombreux chercheurs de Traverses sont sensibles à l’exigence qui consiste à explorer les formes et à étudier leurs effets dans les domaines qui les occupent. Les Media Studies fournissent en ce sens un cadre intéressant, car les documents y sont toujours rapportés non à leur contenu (les événements du monde) mais aux acteurs pour lesquels il prend sens (journalistes, espace public, etc.)

Le projet aurait ainsi pour deuxième objectif de faire converger nos travaux dans le champ de la poétique des savoirs (au sens étymologique de la poïesis), et de réfléchir les normes formelles qui conditionnent nos opérations de traduction, d’inscription, d’exposition ou de codage. Nos travaux pourront s’attacher à l’analyse de tous les dispositifs (agencement ou mise en scène) de médiation et de médiatisation à travers lesquels se déploie ou se re-déploie le savoir. Ils pourront contrer la saisie naturalisante du document, et écarter sa fictive transparence. On interrogera notamment la capacité de certains dispositifs à transformer les représentations. L’économie générale des savoirs (circulation, échanges, etc.) pourra elle aussi être étudiée à la lumière de la matérialité des documents qui les soutiennent et les provoquent. Il faudra encore interroger l’oralité possible du document – voire son immatérialité – pour comprendre les processus de transformation de données en connaissances.

 

Heuristique du document 

Le troisième axe du projet abordera le document au départ d’une réflexion transversale et collective sur les pratiques. On pourra y étudier les multiples opérations par lesquelles les documents sont eux-mêmes travaillés pour être repris/convertis, dans le champ théorique ou dans le champ pratique : déplacement, effacement, découpage, montage, cadrage, etc. Cet aspect de notre recherche s’inscrit notamment dans le sillage des propositions tellement suggestives de la revue Documents, animée par G. Bataille, C. Einstein ou M. Leiris dans les années 1929-1930 – qui pourront faire l’objet de notre intérêt, à la suite des analyses proposées par G. Didi-Huberman.

Dans le champ théorique, de nombreux chercheurs se rapportent aussi aux documents sur un mode tout-à-fait concret, lui-même susceptible d’être analysé : celui de la manipulation, du contact direct, de la transformation. Au moment où il s’agit d’exposer les résultats d’une recherche, quelle place a-t-on l’habitude de réserver aux documents ? Les renvoyer à des annexes, les intégrer ? Sur quels modes et en suivant quelles options ? Les documents sont-ils essentiellement voués à illustrer nos discours, ou peuvent-ils répondre à d’autres fonctions ? L’usage savant des documents répond ainsi à un principe de « convocation », dont il importe d’examiner les modalités. À nos yeux, le travail critique, raisonné et créatif sur les documents permet d’affirmer et de rendre visibles les trajectoires et les expériences poursuivies dans nos recherches, mais aussi de prendre en compte et d’assumer les contingences ou les changements de direction.

Dans le champ pratique, un focus pourra être proposé sur les pratiques littéraires ou artistiques. Le cinéma documentaire, la littérature d’avant-garde, le théâtre expérimental, comme d’autres formes d’expression, pourront avantageusement être étudiés du point de vue de l’heuristique des documents[2].

 

Actualité du document 

Le quatrième axe du projet accueillera entre autres les activités de recherche liées aux Humanités numériques et à l’étude des nouvelles technologies. Les membres de Traverses se distinguent notamment par la dimension actuelle de leurs travaux (y compris pour ceux qui ne sont pas contemporanéistes). Cet ancrage pourra mener nos enquêtes sur la voie d’une confrontation critique aux nouveaux médias. En quoi les modalités de nos savoirs sont-elles directement affectées par la diversité des types et des formats de documents, en particulier par les nouvelles formes qu’ils ont prises ces dernières années ? Quels sont les nouveaux modes de visualisation et de traitement des données, offerts par la révolution numérique ? Quelle distinction de nature peut-on établir entre documents et données ? La démultiplication des possibles figuratifs, la difficulté que les pratiques numériques entraînent aujourd’hui quand il s’agit de délimiter simplement un document, le détournement des supports, la réinvention constante du projet documentaire et son insubordination au modèle illustratif nous pousse à envisager autrement les documents.

 

Politique du document

Il est un dernier axe de recherche auquel nous voulons accorder une attention très particulière. Il constitue en vérité une dimension transversale de notre réflexion, présente en chacun des axes que nous venons d’identifier : c’est l’inscription nécessairement politique de la condition documentaire.  De ce point de vue, la question du document ouvre un champ d’analyse à la fois inédit et décisif. En effet, sous son apparente invisibilité ou neutralité axiologique, le document est l’objet des transactions, le plus souvent muettes, qui rendent possible l’institution contemporaine des sciences de la culture et les régimes d’autorité en lesquels elles affirment leur identité. Le document, défini comme « trace indirecte » du passé ou de la réalité, est l’instrument d’un processus de naturalisation qui confère aux sciences de la culture ou, lato sensu, aux sciences historiques, à la fois leur dignité de science et leur singularité. Sous la seule vêture de la méthode ou de la Raison bien conduite, la critique historique, adossée à la notion de document, se déploie ainsi au départ d’une logique cognitive de la testimonialité qui assure à chacun, et d’abord au savant, la part d’autorité qui lui revient. Le document est témoin d’une réalité avec laquelle il ne se confond pas et, d’une certaine manière, qu’il ne connaît pas : c’est la part ambigüe du témoin, dont la parole est nécessaire, mais souvent incertaine, et bavarde, et trouble, et suspectée de mensonge ou d’incohérence. Seul le savant est en mesure de savoir ce dont le témoin témoigne et pourquoi et comment il en témoigne. Ainsi, la mise en œuvre critique de la notion de document rend-elle intensément visible la dimension initialement testimoniale des sciences de la culture et les effets indissociables de savoir et de pouvoir que cette configuration détermine. C’est là un terrain d’enquête qui s’ouvre très largement devant nous. Il est susceptible de renouveler les débats, parfois épuisés, concernant l’écriture des sciences humaines ou ceux, bien plus convenus, qui s’organisent autour des notions d’objectivité et de subjectivité. Nous pourrions ainsi poser en hypothèse que nombre des propositions contre-instituantes qui font la vie de nos disciplines sont affrontées, implicitement ou explicitement, à ce dispositif naturalisant de la testimonialité que l’étude de la condition documentaire permet de penser. Alors pourrions-nous identifier d’autres modèles, repérer d’autres pratiques, privilégier d’autres modes d’articulation, en lesquels, collectivement, nous reconnaîtrions avec à la fois plus de clarté et d’enthousiasme les manières dont nous voulons comprendre et habiter le monde : notre condition documentaire ! Et par ce moyen d’ouverture, d’innovation et d’engagement, affirmer en toute rigueur le positionnement institutionnel de l’UR. Ce projet sur la condition documentaire se conçoit ainsi en cohérence avec une résistance à toutes les formes de dé-documentation de nos savoirs : contre l’essentialisation des partages disciplinaires, le déni des temporalités longues dans lesquelles s’inscrivent nos pratiques de recherche, la réduction de la valeur des humanités à de pures données comptables et évaluables, nous entendons restituer une pluralité et une complexité aux modes d’être du savoir.

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